Balzac et…
Article mis en ligne le 14 janvier 2019

Balzac et Rossini

 

Puis-je compter sur vous lundi prochain, 9 janvier ? Rossini dîne chez moi. Ce sera bien pour commencer l’année.

Olympe Pélissier, Lettre à Honoré de Balzac, 2 janvier 1832.

 

Rossini, par Bernard Julien et Delarue (lith.), lithographie, Supplément au Voleur, n° 10, vers 1840, Saché, musée Balzac.

Avant même de le rencontrer, Honoré de Balzac semble fasciné par Gioacchino Rossini (1792-1868) et le cite à six reprises dans La Peau de Chagrin (1831). En janvier 1832, c’est Eugène Sue qui présente Rossini à Balzac. Ils sont alors dans le salon de la célèbre danseuse Olympe Pélissier (qui deviendra l’épouse de Rossini en 1847). Dès leur rencontre, une véritable amitié se noue [1]. Balzac va l’entendre à l’opéra aussi souvent qu’il le peut. Il est convié à assister à l’une des représentations de La Gazza ladra (La Pie voleuse) dans la loge de Rossini, ainsi qu'il le raconte à Mme Hanska dans une lettre du 31 octobre 1833. Quelques semaines plus tard, lors d’un dîner, il demande à Rossini de lui écrire un autographe à l’attention du Comte Hanski :

 

Mon cher Balzac, Vous me demandez un autographe, hé bien, le voilà. De quoi vous parlerai-je, est-ce de vous ? Vous qui marquez le siècle par vos chefs-d’œuvre ! Vous êtes, mon ami, un trop grand colosse pour que je puisse vous entreprendre; et d’ailleurs, que vous ferait le suffrage d’une naïveté étrangère ! Je me bornerai donc à vous dire que je vous aime avec tendresse, et que vous, à votre tour, ne devez pas dédaigner d’avoir ensorcelé le Pesariote. [2]

 

Balzac lui demande ensuite de mettre en paroles une romance à l’attention de Mme Hanska, mais il ne semble pas avoir obtenu de Rossini qu’il la mette en musique. En 1834, Balzac offre un grand dîner en l’honneur de Rossini, comme il l’annonce à Mme Hanska :

 

Samedi prochain, je donne à dîner à mes tigres de la loge, et je fais des somptuosités sans raison. J’ai Rossini et Olympe, sa cara dona qui présidera. [3]

 

Il en fait un récit enthousiaste à Mme Hanska :

 

Mon dîner ! il a fait fureur. Rossini a déclaré qu’il n’avait rien vu, mangé ni bu de mieux chez les souverains. Ce dîner a été étincelant d’esprit. La belle Olympe a été gracieuse, sage et parfaite. […] Hier à la 1ère représentation d’Ernani, opéra italien, Olympe me disait en me montrant Rossini :
"Vous ne sauriez imaginer combien l’âme de cet être-là est belle et sublime, combien il est bon, et jusqu’à quel point il l’est. Pour pouvoir réserver son cœur et ses trésors à celle qu’il aime, il s’enveloppe de moquerie aux yeux des autres ; il se fait des piquants." [4]

 

Les deux hommes se ressemblent et s’apprécient ; Balzac admire profondément le succès de Rossini et sa force de travail. Rossini est le musicien le plus cité dans l’œuvre de Balzac.

 

À la fin de l’année 1835, Balzac publie La Fleur des pois. Rossini avait lui-même traité le thème du contrat de mariage dans son premier opéra bouffe, La Cambiale di Matrimonio, créé en 1810. En 1842, lorsqu’il réédite son texte, Balzac en change le titre, reprend celui de Rossini, Le Contrat de mariage, et fait de son ami le dédicataire de cette œuvre.

 

Quant à Gambara et Massimila Doni, les deux nouvelles « musicales » de Balzac, elles sont entièrement consacrées à Rossini, et viennent parfaire cet hommage.

 

Christelle Bréion
Médiatrice au musée Balzac

 

[1] Liliane LESCOUX, « Balzac et Rossini : histoire d’une amitié », dans L’Année balzacienne, 2005.
[2] Gioacchino Rossini, Lettre à Honoré de Balzac, 17 novembre 1833.
[3] Honoré de Balzac, Lettre à Mme Hanska, 26 octobre 1834.
[4] Honoré de Balzac, Lettre à Mme Hanska, 26 novembre 1834.