Balzac et…
Article mis en ligne le 1er juillet 2022

Balzac et "Mémoires de deux jeunes mariées"

 

Dans le cadre de la préparation du baccalauréat technologique (parcours "Raison et sentiments"), le musée Balzac met à l'honneur le roman Mémoires de deux jeunes mariées et met en ligne cet article extrait de son catalogue d'exposition "Balzac, romancier des femmes" (2015), en complément des activités proposées in situ avec les élèves. 

 

 

Tony Johannot, A.B.L (grav.), [Renée de L ’ Estorade et ses enfants], bois gravé, 22 x 16 (cm), dans Honoré de Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées. Scènes de la vie privée. Tome 2. La Comédie humaine, vol. 2, Paris, Furne, Dubochet, Hetzel, 1842. Légende : "Ces deux petits font alors de mon lit le théâtre de leurs jeux".

 

 

Tony Johannot, Pierre Verdeil (grav.), [Louise de Chaulieu au théâtre des Italiens], bois gravé, 22 x 16 (cm), dans Honoré de Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées. Scènes de la vie privée. Tome 2. La Comédie humaine, vol. 2, Paris, Furne, Dubochet, Hetzel, 1842.

 

Dans Mémoires de deux jeunes mariées, roman épistolaire, Honoré de Balzac opère le tour de force d’être femme à deux voix, celle de la provinciale Renée et celle de Louise la parisienne. Le résultat est tellement convaincant que George Sand salue chez son confrère la peinture sublime des sentiments de la maternité :

 

La lettre sur l’enfant malade est si vraie, si énergique, si sublime qu’il faut, mon cher, que vous ayez, suivant nos idées de Leroux, un souvenir d’existence antérieure où vous auriez été femme et mère. (George Sand à Honoré de Balzac, février 1842).

 

RENÉE DE L’ESTORADE

Issue d’une vieille famille provençale, Renée de Maucombe se résigne à épouser par raison le comte Louis de L’Estorade. Bonne épouse et mère dévouée, elle s’attache à améliorer sa vie provinciale et vit par procuration les amours parisiennes de son amie de couvent Louise de Chaulieu, qui échange avec elle une correspondance suivie. Grâce aux appuis politiques des Chaulieu, la carrière de l’Estorade conduit Renée à Paris où elle devient une femme à la mode. Contrairement à Louise, Renée a choisi la voie de la raison. Bien qu’elle ressente la solitude de la vie à la campagne, elle s’épanouit dans la maternité et vit en bonne entente avec son mari. Balzac nous livre pour René un témoignage criant de vérité sur son quotidien de mère, depuis son accouchement jusqu’aux plaisirs procurés par le réveil de ses enfants :

 

Au jour, le ramage de mes deux enfants commence avec les premiers cris des oiseaux. […] Pendant que Naïs essaie d’arriver à moi en opérant le passage de son berceau à mon lit en se traînant sur ses mains et faisant des pas mal assurés, Armand grimpe avec l’adresse d’un singe et m’embrasse. Ces deux petits font alors de mon lit le théâtre de leurs jeux, où la mère est à leur discrétion. La petite me tire les cheveux, veut toujours téter, et Armand défend ma poitrine comme si c’était son bien. Je ne résiste pas à certaines poses, à des rires qui partent comme des fusées et qui finissent par chasser le sommeil.

 

LOUISE DE CHAULIEU

Issue d’une grande famille aristocratique, Louise de Chaulieu quitte à dix-huit ans le couvent auquel sa famille la destine pour disposer de ses biens en faveur de ses frères et fait son entrée dans le monde. Jeune fille exaltée, elle se marie deux fois par passion et communique ses expériences à son ancienne amie de pension, Renée de Maucombe. Son destin s’achève de façon tragique : après avoir tué de ses exigences son premier mari, elle choisit de se rendre poitrinaire lorsqu’elle croit, à tort, que son second époux la trompe. Elle meurt ainsi à trente ans dans tout l’éclat de sa beauté. Contrairement à son amie de province qui s’épanouit dans la maternité, la jeune Louise apprend la vie mondaine et l’art de la toilette. Mais, appartenant à une époque en pleine mutation politique et sociale, il ne lui est pas possible de reproduire l’exemple de sa grand-mère, grande dame du siècle précédent, qu’elle a érigée en modèle. Elle vit ses passions et suit son instinct, ce qui la conduira à sa perte. Dans Mémoires de deux jeunes mariées, Honoré de Balzac clôt le portrait de Louise de Chaulieu sur l’énumération des accessoires obligés de la jeune fille à marier et la description de la toilette d’une débutante :

 

J’ai rubans, chaussures, gants, tout en profusion. Mon père m’a donné gracieusement les bijoux de la jeune fille : un nécessaire, une toilette, une cassolette, un éventail, une ombrelle, un livre de prières, une chaîne d’or, un cachemire.

 

 

Textes d'Elise Gaborit, Mireille Labouret et Isabelle Lamy,
extraits du catalogue de l'exposition Balzac, romancier des femmes
présentée au musée Balzac, à Saché, du 3 octobre 2015 au 3 janvier 2016,
édition Conseil départemental d'Indre-et-Loire, 2015.