L'actualité des collections
Article mis en ligne le 17 octobre 2018

Nouveau dépôt / un portrait retrouvé de la duchesse d'Abrantès

 

Un portrait méconnu de la duchesse d’Abrantès vient d’être déposé par le Mobilier national au musée Balzac. Il témoigne de la splendeur que connut Laure Permon, duchesse d’Abrantès (1784-1838), sous l’Empire, période faste dont elle témoigne dans ses Mémoires (Mame, 1831-1835). 

 


Jean-Louis Hector VIGER
La duchesse d’Abrantès
Huile sur toile, milieu du XIXe siècle,
D’après la miniature peinte par Ferdinando QUAGLIA vers 1812 (non localisée).
Saché, musée Balzac, dépôt du Mobilier national, GMTB 1032.

Honoré de Balzac fait la connaissance de la duchesse d'Abrantès en 1825. Elle est ruinée, mais il profite de ses relations : c’est elle qui l’introduit chez Mme Récamier et dans plusieurs salons. Ses anecdotes sur la société impériale inspireront à Balzac l’intrigue d’Une Ténébreuse affaire. Le romancier lui dédiera La Femme abandonnée où elle apparaît en filigrane du personnage de Claire de Bauséant. Alors qu’il séjourne au château de Saché en septembre 1825, Balzac écrit à la duchesse qu'il aimerait lui montrer la vallée de la Loire car, "de Saumur à Tours, les levées sont divines".

 

Ce portrait a été donné il y a quelques années au Mobilier national par un descendant de la famille Junot. Il est inscrit sur la toile « Maréchale Junot, duchesse d’Abrantès » (en haut à droite), et au dos, le tableau porte plusieurs inscriptions dont "H. Viger d'après une miniature de Quaglia". Il s’agit effectivement d'une œuvre de Jean-Louis-Victor Viger dit Hector Viger (1819-1879), qui a travaillé à partir d’une miniature de Ferdinando Quaglia (1780-1853).

 

Dans ses Mémoires (1831-1835), la duchesse décrit la tenue qu’elle portait lorsque Quaglia fit son portrait en 1812 :

Le lendemain de ce jour de l'an, où la duchesse D......... avait cette parure que je viens de décrire, et qu'elle avait exprès soignée pour aller faire sa cour, j'allai déjeuner avec elle. Je la trouvai seule dans son petit salon d'étude, à côté de la salle à déjeuner particulière de son appartement, et dans un négligé ravissant... Elle avait un peignoir de mousseline de l'Inde parfaitement fine, sur une robe faite en lévite, en marceline blanche, bien ample. Ce peignoir, dont les manches avaient deviné la mode d'aujourd'hui, était brodé tout autour et garni d'une angleterre très belle. Les manches, assez amples pour tourner autour du bras, que la duchesse avait remarquablement beau, étaient terminées par une jolie manchette de point d'Angleterre, tandis que de petites pèlerines au collet, garnies de point d'Angleterre, tombaient sur ses épaules et sa gorge... Le haut du col était garni d'une fraise en point d'Angleterre, et fermé par deux rubans de satin rose et pâle : le long du peignoir étaient des nœuds de satin rose également. Sur sa tête, la duchesse avait jeté, en se levant, une sorte de baigneuse, comme nos mères l'auraient appelée, en point d'Angleterre, garnie de rubans de satin rose pâle. Tout cet ensemble était si frais, que le marquis de B., qui déjeunait avec nous, et dont le bon goût est infaillible, se récria et dit à la duchesse de se faire peindre ainsi, ce qu'elle exécuta la semaine suivante. Elle se fit peindre par Quaglia, dans le costume que je viens de décrire. J'ai donné dans ces trois costumes l'idée du luxe de l'Empire et des premières années de la Restauration. (Mémoires, tome 4, chapitre VIII, p. 276-277).

 

La miniature de la duchesse d'Abrantès par Quaglia n'est plus localisée à ce jour (1) . Ce portrait d'Hector Viger réalisé au milieu du XIXe siècle permet donc de témoigner de son existence. Notons que le peintre a particulièrement soigné la délicatesse de la tenue décrite par la duchesse dans ses Mémoires, donnant l'illusion d'un peignoir en mousseline de l'Inde par un savant jeu de transparences au niveau du buste. Le portrait est exposé au deuxième étage du musée Balzac, dans la salle "Balzac en son monde".

 


(1) Nathalie Lemoine-Bouchard, experte en miniatures, nous a indiqué que la miniature de la duchesse d’Abrantès par Quaglia a probablement été conservée. Elle était en 1922 la propriété d'une descendante de la comtesse Charles de Mouy qui avait aussi le portrait de son mari. Ces deux portraits sont reproduits dans Jeannerat Carlo, "Il pittore Ferdinando Quaglia", in Dedalo, 2e année, fasc VIII, p. 536-550, ainsi que cités et reproduits dans le dernier ouvrage sur Quaglia par Chira Parisio, " Ferdinando Quaglia da Piacenza à Parrigi.", Brescia, Starrylink, 2012, p. 33, de même que le portrait de l’un des enfants de la duchesse d’Abrantès, conservé à la Walters Gallery à Baltimore. Thierry Bodin, expert en autographes, balzacien et spécialiste de la duchesse d’Abrantès, nous a communiqué l’information de la vente de la miniature du Général Junot, duc d’Abrantès, le 12 avril 2015 à Fontainebleau ("L'Empire à Fontainebleau", chez Osenat à Fontainebleau).